Imaginez une autoroute souterraine qui relie votre cerveau à presque tous vos organes vitaux. Une ligne directe, toujours en activité, qui orchestre votre rythme cardiaque, votre respiration, votre digestion et même votre état émotionnel. Cette autoroute existe : c’est le nerf vague.
Ces dernières années, il est devenu une star du bien-être. On lit qu’il suffirait de le stimuler pour entrer dans un état de détente instantanée, qu’il serait la clé secrète contre le stress, la dépression, et même certaines maladies chroniques. D’autres, au contraire, le considèrent comme une tendance exagérée, un concept détourné à des fins marketing.
La vérité est plus nuancée. On entend souvent que stimuler le nerf vague détend immédiatement. C’est faux. Le nerf vague est une autoroute d’informations entre notre cerveau et notre corps, mais il peut activer aussi bien la relaxation que l’alerte, selon la manière dont il est sollicité. C’est un régulateur puissant, mais ni un bouton magique de relaxation, ni une panacée universelle.
Alors, que fait réellement le nerf vague ? Pourquoi est-il si essentiel à notre équilibre physique et mental ? Et surtout, comment l’activer intelligemment pour en tirer des bénéfices concrets ?
C’est ce que nous allons explorer dans cet article, en démêlant le vrai du faux et en découvrant comment intégrer cet outil précieux dans notre quotidien.
Ce qu’il faut d’abord comprendre, c’est que le nerf vague est un modulateur, pas un interrupteur.
Le nerf vague, une autoroute entre le cerveau et le corps
Si vous pouviez observer votre système nerveux comme une carte en relief, vous verriez un grand nerf s’étendre depuis la base de votre crâne jusqu’à votre abdomen. Il longe l’œsophage, traverse le thorax, frôle le cœur, les poumons, l’estomac, les intestins. Ce nerf, c’est le nerf vague — le plus long, et l’un des plus influents du corps humain.
Son nom vient du latin vagus, qui signifie “errant” : il se promène, relie, tisse des liens invisibles entre vos organes vitaux. C’est une sorte de ligne directe, une autoroute toujours active entre votre cerveau et votre corps.
Le nerf vague est souvent présenté comme le chef d’orchestre du système nerveux parasympathique — celui du repos, de la digestion, de la récupération. Mais il est plus qu’un simple régulateur du calme. Il est un messager bidirectionnel :
- Du cerveau vers le corps : il ralentit le cœur, stimule la digestion, apaise les tensions.
- Du corps vers le cerveau : il rapporte des nouvelles internes — comment vous respirez, digérez, ou même ce que vous ressentez.
Le Dr Andrew Huberman, chercheur à Stanford, le résume très bien : “Le nerf vague est souvent mal vendu : il peut activer à la fois des états de relaxation et d’alerte, selon la manière dont il est stimulé.”
Autrement dit, il n’est pas un simple “frein à stress”. C’est un modulateur d’état interne, capable de vous détendre… ou de vous alerter, selon le signal reçu.
- Le nerf vague : un malentendu courant
On entend souvent que stimuler le nerf vague, c’est s’offrir un accès direct à la détente. Il suffirait d’une respiration profonde, d’une posture de yoga, ou d’un bain froid pour atteindre une paix instantanée. Ce serait presque magique. Mais la réalité est plus nuancée.
Le nerf vague n’est pas un interrupteur. Il ne fonctionne ni sur commande, ni sur le mode “on/off”. C’est un régulateur, un fin ajusteur de notre physiologie, dont l’action dépend du contexte.
Respirer lentement ? Oui, cela peut activer la branche “calmante” du nerf vague. Mais plonger dans de l’eau glacée ? Cela stimule aussi le nerf vague — sauf que dans ce cas, c’est l’alerte, pas l’apaisement, qui prend le relais.
Un autre malentendu, très fréquent, est de croire que le nerf vague serait le siège des émotions. Ce n’est pas exact. Il participe à la régulation émotionnelle, oui, mais il ne dirige pas à lui seul notre monde intérieur. Les émotions émergent d’une chorégraphie bien plus complexe : le cerveau, les hormones, les circuits neuronaux s’y entremêlent.
Et attention à cette idée très répandue : “Plus je stimule le nerf vague, mieux c’est.” En réalité, une stimulation mal dosée peut être contre-productive : ralentissement excessif du rythme cardiaque, nausées, vertiges. Il ne s’agit pas de booster, mais de trouver une juste mesure.
Le nerf vague est comme un accordeur subtil. Il ne cherche pas à nous figer dans la détente, mais à nous adapter intelligemment à notre environnement. C’est cela, la vraie puissance de ce nerf : sa capacité à ajuster l’équilibre entre vigilance et relâchement, danger et sécurité.
- Le nerf vague et l’alimentation : une conversation secrète entre l’intestin et le cerveau
Imaginez que chaque bouchée que vous avalez enclenche un dialogue silencieux, une sorte de messagerie interne entre votre ventre et votre cerveau. Une conversation que vous n’entendez pas, mais qui influence profondément vos sensations de faim, de satiété… et même vos envies soudaines de chocolat ou de chips. Au cœur de cet échange invisible : le nerf vague.
Ce nerf ne se contente pas de réguler la digestion. Il transmet en temps réel des données précieuses sur ce que vous mangez. À l’intérieur de l’estomac et de l’intestin, des capteurs scrutent les aliments comme des douaniers vigilants : taux de sucre, présence de graisses, acides aminés… Tout est détecté, évalué, puis envoyé au cerveau sous forme de signaux vagaux.
Et le plus fascinant, c’est que ce processus se déroule sans même que vous en ayez conscience. Des chercheurs ont montré que même lorsque des participants ne percevaient pas le goût d’un aliment (par exemple à cause d’un blocage olfactif), leur intestin, lui, savait ce qu’il se passait. Et il influençait leurs préférences alimentaires malgré tout.
Autrement dit, votre corps choisit parfois pour vous, bien avant que votre esprit ne formule une envie. Le nerf vague transmet l’information, et le cerveau active alors les circuits de plaisir ou de rejet, sans demander votre avis.
Mais ce système, aussi finement réglé soit-il, peut être perturbé. Les aliments ultra-transformés, avec leurs sucres cachés et leurs graisses modifiées, brouillent cette communication. Ils envoient des signaux trompeurs, qui font croire au cerveau qu’on a besoin de plus, encore et encore. Le nerf vague devient alors le messager d’une fausse urgence, poussant à manger au-delà de la faim réelle. Résultat : le corps ne sait plus vraiment s’il a assez mangé. La régulation naturelle est court-circuitée, et le cerveau, trompé par un excès de stimulation, réclame sans fin.
Cette boucle — intestin, nerf vague, cerveau — est donc bien plus qu’une fonction digestive. C’est un véritable dialogue d’intelligence corporelle, une boussole intérieure que nous pouvons apprendre à écouter… et à protéger.
- Comment activer le nerf vague au quotidien ?
Nous ne pouvons pas contrôler notre système nerveux comme on appuie sur un interrupteur, mais nous pouvons l’influencer en douceur, par des gestes simples, des habitudes naturelles, des pratiques anciennes validées par les neurosciences modernes. Voici quelques clés pour stimuler intelligemment votre nerf vague, et cultiver un état intérieur plus calme, plus stable, plus résilient.
La respiration : quand le calme entre par le ventre
Imaginez ce moment où vous êtes tendu, ou simplement fatigué. Vous vous arrêtez. Vous inspirez lentement, profondément. Et, presque sans y penser, votre ventre se soulève, puis redescend doucement. Ce mouvement, si simple en apparence, est en réalité un levier direct sur votre système nerveux.
Le nerf vague est intimement relié au diaphragme, ce muscle qui se contracte à chaque respiration profonde. Lorsque vous respirez lentement par le ventre, vous activez une cascade de signaux qui remontent vers le cerveau et invitent votre corps à se calmer : le cœur ralentit, la tension artérielle baisse, l’esprit devient plus clair.
Les chercheurs en neurosciences ont démontré que la respiration profonde stimule la branche parasympathique du système nerveux autonome, celle qui favorise la détente, la récupération, la digestion. C’est l’une des façons les plus accessibles et naturelles d’activer le nerf vague — sans outils, sans technologie, sans bruit.
La méthode 4-4-8 est un bon point de départ :
- Inspirez par le nez pendant 4 secondes en gonflant le ventre.
- Retenez l’air pendant 4 secondes.
- Expirez lentement par la bouche pendant 8 secondes, comme si vous souffliez sur une flamme sans l’éteindre.
- Répétez pendant 3 à 5 minutes, une à deux fois par jour, ou chaque fois que le monde vous semble un peu trop rapide.
Au bout de quelques cycles, vous sentirez peut-être ce moment subtil où le calme descend doucement. Ce n’est pas spectaculaire, mais c’est réel. Une invitation à revenir dans votre corps, et à vous reconnecter à ce qu’il sait faire depuis toujours : s’autoréguler.
Le pouvoir de la voix : vibrer pour s’apaiser
Fermez les yeux un instant et imaginez : une chorale dans une église, un feu de camp entre amis, un bébé qui babille doucement… Tous ces moments partagent une chose : des vibrations sonores qui apaisent, réconfortent, relient.
Ce que l’on sait moins, c’est que ces vibrations stimulent directement le nerf vague. Ce nerf traverse votre gorge et innerve vos cordes vocales. Chaque fois que vous chantez, fredonnez ou même faites des gargarismes, vous créez une micro-stimulation bénéfique, qui active la branche parasympathique de votre système nerveux.
Autrement dit, votre voix peut être un outil de régulation intérieure.
Ce n’est pas un hasard si tant de traditions spirituelles utilisent les sons : le “OM” du yoga, les chants grégoriens, les mantras… Toutes ces pratiques, au-delà de leur signification culturelle, ont une action physiologique mesurable.
Des études ont montré qu’elles augmentent la variabilité de la fréquence cardiaque, un marqueur essentiel de la santé du nerf vague et de notre capacité à faire face au stress.
Des gestes simples à intégrer au quotidien :
- Fredonnez une chanson douce sous la douche ou en préparant le repas. Ce n’est pas la justesse qui compte, mais la vibration.
- Essayez de chanter un mantra simple, comme le “OM” : asseyez-vous confortablement, inspirez, puis laissez le son résonner dans votre gorge et votre poitrine.
- Faites quelques gargarismes matin ou soir, avec un peu d’eau tiède ou légèrement salée. C’est un petit geste discret, mais étonnamment efficace.
D’ailleurs, depuis toujours, les berceuses apaisent les nourrissons. Mais la recherche a confirmé cette intuition et leur véritable impact : des études ont montré que les bébés prématurés en soins intensifs réagissent mieux lorsqu’on leur chante doucement. Leur rythme cardiaque se stabilise, leur respiration devient plus régulière, et leur bien-être général s’améliore.
Ce phénomène illustre à quel point la voix humaine, en stimulant le nerf vague, joue un rôle fondamental dans l’équilibre du corps et des émotions.
Alors si vous vous sentez tendu ou stressé, essayez cette méthode simple : fredonnez une mélodie, chantez à pleins poumons, ou récitez un mantra. Vous verrez, une sensation d’apaisement ne tarde jamais à suivre. C’est un outil naturel, gratuit, accessible à tous… et validé par la science.
Le froid : un réveil tonique pour le nerf vague
Vous tournez le robinet vers le froid, l’eau coule, votre main hésite. Puis, d’un élan, vous plongez le visage ou laissez l’eau glacée effleurer votre nuque. C’est intense. Surprenant. Mais presque immédiatement, quelque chose s’apaise. Comme si votre système entier se recalait, plus calme, plus présent. Ce que vous venez de faire ? Activer le nerf vague par un stimulus thermique.
L’exposition au froid — que ce soit une douche écossaise, un bol d’eau glacée ou un simple courant d’air frais sur la peau — déclenche une réponse adaptative dans le corps. Ce stress contrôlé pousse le système nerveux à rétablir l’équilibre, et le nerf vague entre en jeu pour freiner l’emballement. Résultat : votre rythme cardiaque ralentit, votre respiration s’approfondit, vous reprenez le contrôle.
Mais attention : comme évoqué plus tôt dans cet article, le froid peut aussi activer une réponse d’alerte, surtout s’il est brutal ou mal dosé. Le secret réside dans la progression, la modération et l’intention. On ne cherche pas l’exploit, mais la régulation.
Des recherches ont montré que cette exposition brève mais régulière peut renforcer la résilience au stress, améliorer le tonus vagal et favoriser une meilleure récupération. C’est un peu comme un entraînement du système nerveux à garder son calme dans l’inconfort.
Pour celles et ceux qui souhaitent approfondir cette pratique, j’ai consacré un article entier à ce sujet en juin 2024 : « Renforcer sa résilience grâce à l’exposition au froid : la douche froide comme outil de gestion du stress ».
À essayer à votre rythme :
- Commencez doucement : à la fin de votre douche, passez de l’eau froide sur le visage et la nuque pendant 30 secondes.
- Respirez lentement pendant l’exposition : c’est le secret pour que le système parasympathique prenne le relais.
- Vous pouvez aussi remplir un bol d’eau froide (avec quelques glaçons si vous êtes d’humeur courageuse) et y tremper le visage pendant 10 à 20 secondes.
Ce rituel, s’il est pratiqué avec bienveillance, devient rapidement un coup de fouet serein. Il ne s’agit pas de se faire violence, mais de stimuler doucement notre capacité à revenir à l’équilibre, même dans des conditions inattendues. Le nerf vague adore ça.
Apprivoiser le calme : cohérence cardiaque, méditation et NSDR
Parfois, ce n’est pas une action visible qui fait la différence. C’est un espace qu’on crée en soi. Un ralentissement. Une permission de ne rien faire, juste respirer. Ces moments où l’on s’accorde à soi-même une pause profonde sont de véritables soins pour le système nerveux, et plus encore pour le nerf vague.
La cohérence cardiaque, la méditation de pleine conscience et la pratique plus récente du NSDR (Non-Sleep Deep Rest) ont toutes en commun cette capacité à stimuler la branche apaisante du système nerveux autonome. Elles ne cherchent pas à fuir le stress, mais à réguler la réponse du corps face à lui.
Pourquoi ces pratiques sont-elles efficaces ?
- La cohérence cardiaque synchronise le cœur et le cerveau grâce à une respiration rythmée, équilibrant les systèmes sympathique et parasympathique. Elle favorise une meilleure régulation émotionnelle et une réduction du stress.
- La méditation de pleine conscience active le système parasympathique en réduisant l’activité du système nerveux sympathique (associé au stress), renforçant ainsi le tonus vagal.
- Le NSDR (Non-Sleep Deep Rest), moins connu en France que la méditation de pleine conscience ou la cohérence cardiaque, a été développé par Andrew Huberman, neuroscientifique à l’Université de Stanford. Il combine relaxation profonde et neuroplasticité. Cette technique repose sur un état de repos éveillé proche du sommeil léger, permettant de recharger le système nerveux et d’optimiser les capacités cognitives.
Le NSDR : Une sieste pour le nerf vague
Andrew Huberman a mis en avant le NSDR comme une pratique permettant d’accéder rapidement à un état de récupération profonde, sans pour autant sombrer dans le sommeil. Il s’appuie sur des techniques issues du Yoga Nidra, une forme de méditation guidée qui favorise un relâchement musculaire et mental total.
Pourquoi le NSDR est-il intéressant pour le nerf vague ?
- Il favorise une désactivation du système nerveux sympathique et stimule le parasympathique, en particulier via le nerf vague.
- Il améliore la variabilité de la fréquence cardiaque, un indicateur clé de la santé du nerf vague.
- Il optimise la régénération cognitive, permettant de mieux gérer le stress et la fatigue mentale.
Comment pratiquer le NSDR ?
- Installez-vous confortablement : Allongez-vous sur le dos ou asseyez-vous dans un endroit calme.
- Fermez les yeux et détendez-vous : Laissez votre corps s’alourdir.
- Suivez une méditation guidée (par exemple, une session de Yoga Nidra sur YouTube ou via une application – pour ceux qui comprennent l’anglais, le Dr Andrew Huberman en a enregistré sur Youtube).
- Laissez-vous glisser dans un état de semi-sommeil pendant 10 à 20 minutes.
Une pratique régulière du NSDR peut non seulement stimuler le nerf vague, mais aussi améliorer le sommeil, la concentration et la récupération après une période de stress intense.
En résumé, la cohérence cardiaque, la méditation et le NSDR sont trois pratiques accessibles qui permettent d’activer le nerf vague, de réduire le stress et d’améliorer notre résilience nerveuse
Pour aller plus loin : apprivoiser son nerf vague, un pas après l’autre
Nous n’avons pas besoin de tout faire parfaitement, ni de tout comprendre pour que notre corps commence à se rééquilibrer. Le nerf vague n’est pas un interrupteur à activer, mais un allié discret, qui répond à des gestes simples, répétés avec constance et bienveillance.
Que ce soit à travers la respiration, la voix, le silence, le froid ou le lien aux autres, nous avons entre les mains des outils puissants et accessibles.
Non pas pour fuir nos émotions, mais pour leur offrir un terrain stable. Un lieu sûr, où elles peuvent passer, sans envahir.
Commencer, c’est parfois juste ça : prendre une grande inspiration, chanter doucement, ou s’accorder cinq minutes de repos éveillé. Et, peu à peu, notre système nerveux apprend qu’il peut relâcher la garde.
Quand le nerf vague s’emballe : comprendre le malaise vagal
Le nerf vague joue souvent le rôle du pacificateur dans notre organisme. Il ralentit, régule, calme. Mais parfois, dans sa volonté de bien faire, il agit un peu trop fort, un peu trop vite — et c’est là que peut survenir ce qu’on appelle un malaise vagal. Ce phénomène impressionne : sueurs froides, vertiges, nausées, et parfois perte de connaissance brève, comme si le corps coupait momentanément les plombs.
Pourtant, derrière cette réaction spectaculaire, se cache une tentative de protection. Le cerveau perçoit une menace (douleur, stress, déséquilibre digestif…), et envoie le nerf vague comme messager pour apaiser. Sauf qu’au lieu de calmer doucement, le message est si fort qu’il fait chuter la pression artérielle et ralentir le cœur, au point que le cerveau n’est plus suffisamment irrigué. Résultat : tout vacille.
Quand cela survient-il ?
Certaines causes sont bien connues, d’autres beaucoup plus inattendues. En voici quelques-unes :
- Une douleur aiguë : Une piqûre, un choc, une prise de sang… Face à la douleur, le corps tente de réguler en douceur. Mais chez certaines personnes sensibles, cette réaction est trop brutale, et peut entraîner un malaise.
- Un stress émotionnel intense : Un choc, une frayeur, une mauvaise nouvelle, une phobie (du sang, des aiguilles, du vide…) : autant de déclencheurs classiques. Le stress monte, le système nerveux veut freiner… et débranche tout.
- Une station debout prolongée : Rester immobile trop longtemps — à un concert, dans une file d’attente, pendant une cérémonie — peut perturber le retour veineux vers le cerveau. Le corps essaie de compenser, mais parfois, la réponse vagale est trop forte.
- Une digestion difficile : Après un repas très copieux, une grande partie du sang se concentre sur le système digestif. Cela peut déclencher une sorte de « court-circuit vagal », surtout chez les personnes sensibles : sueurs, nausées, sensation de malaise postprandial.
- La chaleur et la déshydratation : Par temps chaud ou en cas de manque d’eau, le corps lutte pour maintenir une pression stable. Une réaction vagale excessive peut surgir d’un coup, typique des malaises dans les transports bondés l’été.
- Des situations plus inattendues… Un simple aliment mal avalé — un morceau de pomme, un œuf dur — peut suffire. Pourquoi ? Parce que le nerf vague innerve l’œsophage. S’il y a irritation ou blocage passager, cela peut provoquer une stimulation excessive et déclencher un bref malaise.
Que faire en cas de malaise vagal ?
Heureusement, il existe des gestes simples, efficaces, et souvent suffisants :
- Allongez-vous et surélevez les jambes : pour aider le sang à remonter vers le cerveau.
- Respirez lentement et profondément : inspirez par le nez, expirez par la bouche, comme si vous souffliez doucement sur une flamme sans l’éteindre.
- Buvez un peu d’eau : surtout s’il fait chaud ou si vous êtes déshydraté(e).
- Relevez-vous lentement : même si le malaise semble passé, donnez à votre corps le temps de retrouver un bon équilibre.
Et bien sûr, si les symptômes persistent, s’aggravent, ou si vous avez le moindre doute : n’hésitez jamais à appeler les secours. Mieux vaut prévenir que risquer un danger évitable.
En résumé
Le malaise vagal est un excès de zèle du système parasympathique, une tentative de calmer un stress ou une douleur perçue… qui va trop loin. Il peut impressionner, mais il est généralement bénin et transitoire.
Et comme toujours : si ces épisodes se répètent ou vous inquiètent, parlez-en à un médecin. Il pourra confirmer qu’il s’agit bien d’un malaise vagal, et vous aider à comprendre vos propres signaux d’alerte.
Ce qui compte au quotidien : le nerf vague dans la vraie vie
Nous avons exploré ensemble ce qu’est le nerf vague, ses fonctions, ses paradoxes. Nous avons vu comment le stimuler, comment l’écouter, et même comment il peut s’emballer. Mais maintenant… comment vivre avec lui, au jour le jour ? Car c’est bien là que tout se joue. Pas dans les grandes résolutions, ni dans un programme parfait, mais dans les petits gestes quotidiens, discrets et puissants : poser une main sur son ventre et respirer. Écouter une musique qui nous fait du bien. Oser dire non sans se justifier. Fermer les yeux quelques instants dans un bus bondé. Boire de l’eau en conscience. Ralentir, juste un peu.
Le nerf vague n’a pas besoin de notre performance, seulement de notre attention. Il réagit à ce qui est vrai, doux, régulier. C’est pourquoi, dans la vie réelle — faite de contraintes, de tensions, de responsabilités — ces pratiques ne sont pas des “en plus” : elles sont des actes de réappropriation de soi.
Et pour ceux qui vivent ou ont vécu sous pression, sous surveillance, ou sous emprise, ces gestes sont encore plus précieux. Parce qu’ils passent inaperçus. Parce qu’ils redonnent une marge. Parce qu’ils rappellent au corps qu’il a le droit de se sentir en sécurité, même pour quelques secondes.
Conclusion : Le nerf vague, une clef invisible pour reprendre souffle
Imaginez un fil souple, discret, tendu entre votre cœur, votre souffle, vos émotions. Un fil qui vibre à chaque inspiration, à chaque contact humain, à chaque pensée qui ralentit. Ce fil, c’est votre nerf vague.
Il n’est pas spectaculaire. Il ne vous demande rien. Mais il est là, en permanence, à réguler, moduler, rééquilibrer. Il vous accompagne dans l’ombre, comme un allié fidèle que l’on redécouvre quand tout semble trop.
Dans notre monde saturé de stimulations, pressé jusqu’à l’essoufflement, nous avons appris à ignorer ces signaux subtils. Nous nous sommes habitués à fonctionner en mode survie — vitesse, tension, réactivité.
Et pourtant… nous possédons déjà en nous un système entier conçu pour nous apaiser, pour nous recentrer, pour nous rappeler que nous sommes vivants autrement que dans l’urgence.
Respirer. Chanter. Rire. S’immerger dans l’eau fraîche. S’accorder une pause. Tous ces gestes ne sont pas anodins. Ce sont des actes de réparation silencieuse. Des façons de dire à notre corps : je t’écoute à nouveau.
Et pour celles et ceux que j’accompagne, souvent pris dans des relations d’emprise ou des environnements oppressants, ces outils sont des refuges. Car ils sont invisibles aux yeux de ceux qui contrôlent. Personne ne peut interdire de respirer lentement. Personne ne peut empêcher un cœur de retrouver son rythme.
Dans une pièce tendue, sous un regard glaçant, même là, il est possible de poser les pieds au sol, d’ancrer une présence intérieure. C’est discret. C’est puissant. C’est à soi. Et même si tout va bien — ce que je souhaite à chacun — pourquoi ne pas ancrer ces gestes comme des rituels de joie ? Un corps détendu, un esprit centré, ce n’est jamais de trop.
Le nerf vague n’est pas un gadget de bien-être. C’est une voie de retour à soi. Une manière de reprendre souffle, espace, autonomie, même au milieu du tumulte.
Et cela commence souvent par un geste simple. Une main posée sur la poitrine. Un sourire intérieur. Une note chantonnée. Juste assez pour que le calme revienne, qu’il s’installe, qu’il devienne familier.
Pour en savoir plus :
Articles scientifiques :
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Livres :
- Deb Dana : S’ancrer dans la sécurité (EDP sciences, 2023)
- Navaz Habib, Activate Your Vagus Nerve: Unleash Your Body’s Natural Ability to Heal (Ulysses press 2022)
- Navaz Habib : Activez votre nerf vague (Thierry Souccar 2020)
- Porges, S. W. (2011). The Polyvagal Theory: Neurophysiological Foundations of Emotions, Attachment, Communication, and Self-Regulation. W.W. Norton & Company.
- Porges, S,W (2021) La théorie polyvagale: Fondements neurophysiologiques des émotions, de l’attachement, de la communication et de l’autorégulation EDP Sciences
- Rosenberg, S. (2017). Accessing the Healing Power of the Vagus Nerve: Self-Help Exercises for Anxiety, Depression, Trauma, and Autism. North Atlantic Books.
- Rosenberg : stimuler le nerf vague pour faciliter la guerison (2020, Tredaniel)
Ressources en ligne
Huberman Lab podcast :
How Your Nervous System Works (november 2024)
How Foods&Nutritients Control Our Mood(jan 2025)
Fluoride Benefit /Risks &Vagus nerve stimulation (Feb. 2024)
NSDR (Non-Sleep Deep Rest) with Dr. Andrew Huberman – YouTube https://www.youtube.com/watch?v=AKGrmY8OSHM
The Incredible Polymath of Polymaths | Dr. Martine Rothblatt on The Tim Ferris Show
https://www.enfant-different.org/arrivee-dun-enfant/musique-et-chant-pour-les-bebes-prematures/
https://www.rtbf.be/article/cocon-musical-les-bienfaits-du-chant-pour-les-bebes-prematures-9927802
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