Comme un voile invisible, les écrans enveloppent nos vies, parfois jusqu’à étouffer notre souffle. Retrouver la liberté, c’est apprendre à lever ce voile pour renouer avec soi et avec les autres.
Dans un précédent article, Le piège numérique : Quand nos écrans deviennent des maîtres invisibles (PFLG, Chapitre 24), nous avons exploré la manière dont nos téléphones et nos écrans fragmentent notre attention, alimentent l’anxiété et installent insidieusement des réflexes incontrôlables. Nous y parlions déjà de dépendance et de perte de liberté intérieure.
Le nouveau livre d’Asma Mhalla, Cyberpunk – Le nouveau système totalitaire, prolonge et amplifie cette réflexion. Il montre que nous ne sommes plus seulement face à des outils de distraction, mais devant un véritable système d’emprise technologique, où les flux de données, d’images et d’algorithmes façonnent nos comportements, nos pensées et parfois nos relations.
Ce parallèle est essentiel : l’emprise n’est pas seulement une affaire de manipulation individuelle ; elle se loge aussi dans les infrastructures numériques qui nous entourent. Comme dans toute emprise, les chaînes ne sont pas visibles : elles s’installent doucement — par saturation, par perte de filtres, par une paresse cognitive qui finit par sembler naturelle.
Je m’efforce, dans ma pratique comme dans mes écrits, d’éclairer et d’aider à déjouer l’emprise. À la lumière du livre d’Asma Mhalla, il me paraît nécessaire d’aller plus loin : observer les conséquences de cette emprise technologique dans nos vies quotidiennes. Dans les couples ; chez les enfants, les adolescents et les étudiants ; chez les personnes seules, mais aussi chez les professionnels et les aînés — et proposer des gestes concrets pour retrouver souffle et liberté.
Quand les flux deviennent des chaînes invisibles
Asma Mhalla parle de « fluxcratie » : un mode de pouvoir qui ne repose plus sur l’autorité visible, mais sur le flot continu d’images, de données et de notifications qui s’imposent à nous. Nos écrans ne se contentent pas de nous informer : ils saturent notre attention. Trop d’images, trop de messages, trop de bruit. Et cette saturation agit comme une forme de censure déguisée : quand tout devient visible, plus rien n’est vraiment lisible.
Progressivement, nous confions nos choix aux algorithmes — ce que nous lisons, ce que nous regardons, ce que nous consommons. Une paresse cognitive s’installe, nos filtres intérieurs s’affaiblissent, et un pilotage extérieur s’impose en douceur.
Ce processus ressemble en tout point aux logiques de l’emprise psychologique :
- une perte progressive de liberté intérieure,
- une dépendance subtile à une force extérieure,
- et la normalisation de comportements qui finissent par sembler naturels.
Nous ne sommes pas derrière des barreaux, mais pris dans des chaînes numériques invisibles.
Les conséquences psychologiques : quand l’écran devient un filtre entre nous et la vie
Cette emprise douce mais constante n’est pas sans effets. Elle agit silencieusement sur nos esprits et nos relations. Les écrans deviennent parfois comme un voile ou un filtre posé entre nous et la vie réelle.
- Dans les couples : deux personnes assises côte à côte peuvent se retrouver plongées dans deux univers parallèles. Les conversations se raréfient, l’attention partagée s’efface. C’est une solitude paradoxale : être ensemble physiquement, mais séparés mentalement. L’écran joue le rôle d’un tiers intrusif qui capte l’énergie relationnelle.
- Chez les adolescents : l’impact est profond. Leur identité se construit dans le regard des autres ; les réseaux nourrissent cette dépendance à l’approbation extérieure. Leurs cerveaux apprennent à « scroller » plus qu’à réfléchir. Cette plasticité neuronale est déterminante : ce qui s’installe à l’adolescence influence la vie adulte.
- Chez les étudiants : beaucoup croient se détendre le soir avec séries et flux. En réalité, ils saturent leur esprit, retardent le sommeil et alourdissent la fatigue. La détente se transforme en surcharge.
- Chez les personnes seules : le téléphone devient un refuge. Les échanges numériques donnent l’illusion de proximité mais laissent souvent un goût de vide. La solitude peut s’en trouver accentuée.
- Chez les personnes âgées : certaines se sentent dépassées par les outils numériques entrainant le risque d’exclusion, d’autres s’y réfugient à l’excès entrainant alors le risque d’isolement. Dans les deux cas, l’écran peut devenir un filtre qui éloigne du monde réel.
- Chez les professionnels actifs : l’hyperconnexion brouille la frontière vie pro/vie perso. Mails et notifications fragmentent la concentration, érodent le repos, minent créativité et clarté de jugement.
Les jeunes générations : « branchés mais enfermés »
Chez les enfants de fin de primaire et les collégiens, la pression est immense : beaucoup pensent que s’ils ne sont pas connectés en permanence, ils vont disparaître du groupe, manquer quelque chose, perdre leur place. L’écran devient un cordon ombilical numérique. Mais cette « connexion » a un coût : au lieu d’être dehors, en mouvement, à explorer, ces jeunes restent dedans, happés par des flux qui donnent l’illusion d’exister.
Une orthoptiste me confiait une image frappante : dans la rue, au restaurant, dans le métro, nous regardons nos téléphones… sans voir que nous fixons un mur. Un mur lumineux, certes, mais un mur tout de même. Fixer l’écran, c’est perdre la profondeur du champ visuel — et, symboliquement, rétrécir notre imaginaire.
À force de fixer ce mur, nous perdons la capacité de voir au loin, de rêver, de créer. Nous qui clamons la liberté, nous passons parfois des journées entières face à un mur, sans nous en rendre compte.
En somme…
Dans tous ces cas, le risque est le même : celui d’une dépendance subtile, où l’on croit choisir librement alors qu’on se contente de suivre le fil qui nous est imposé. Comme dans toute emprise, ce n’est pas l’acte isolé qui enferme, mais la répétition, l’habitude, la normalisation de gestes qui finissent par réduire notre liberté intérieure.
Reprendre la main : gestes concrets
À force de vivre face à ce mur lumineux, nous oublions parfois qu’il existe un horizon. La liberté commence par un geste minuscule : lever les yeux, retrouver la profondeur, ouvrir son champ visuel… et, avec lui, notre champ intérieur. La prise de conscience ne suffit pas ; il faut l’incarner. Ce sont des gestes réguliers, modestes, presque ordinaires, qui replacent la technologie à sa juste place : non plus un pilote, mais un outil.
Pour tous : réapprendre à choisir
Réapprendre à choisir, c’est d’abord créer des interstices : un ou deux moments de la journée où le téléphone reste ailleurs — au petit-déjeuner, à l’heure du retour, juste avant la nuit. Un peu d’air entre soi et l’écran, et la respiration revient. Puis alléger : couper les notifications non essentielles, épurer l’écran d’accueil, se séparer des applications qui aspirent le temps. Enfin, reprendre la main sur l’information : préférer quelques sources choisies à un flux infini décidé par d’autres.
Regarder au loin : plusieurs fois par jour, lever les yeux, laisser le regard porter à distance. On sort du “mur” et l’imaginaire respire.
Le fil contre le flux : transformer dix minutes de défilement en dix minutes d’un geste simple et tangible (un point, deux rangs, un ourlet, un dessin). Le corps se calme, l’attention revient.
Par exemple : en fin de journée, laisser le téléphone dans une autre pièce, puis choisir un article, une page de livre, un morceau de musique — ou un petit geste des mains — plutôt que le défilement.
Le contre-pouvoir des gestes lents
Si les plateformes gouvernent par le flux, nous pouvons résister par le geste. Coudre, broder, tricoter ne sont pas de simples passe-temps : ce sont des technologies intérieures qui restaurent l’attention, régulent l’émotion et redonnent le sentiment d’agir. Hier déjà, des blessés ont tenu debout en retrouvant un point, puis un autre ; aujourd’hui encore, la clinique et la recherche confirment la force de ces gestes incarnés (voir notre article De la blessure au soin : quand le geste recoud l’humanité — coudre, broder ou tricoter pour résister et reconstruire, PFLG, Chapitre 27). Le fil contre le flux : un point après l’autre, la main recoud ce que le flux défait.
Tout-petits : apprendre à attendre sans écran
Un écran qui calme, c’est tentant. Mais l’enfant a surtout besoin de regards, de voix et de gestes partagés.
Trop souvent, l’écran arrive pour rendre l’enfant invisible quand l’adulte doit faire autre chose. Or un tout-petit a besoin d’être entendu, pas neutralisé. Apprendre à attendre se fait dans le lien : parler en cuisinant, bercer en téléphonant, chanter en s’habillant, commenter ce qu’on fait. Mieux vaut une présence imparfaite qu’un silence numérique parfait.
Chaque fois que nous « éteignons » un jeune enfant par un défilement hypnotique, nous lui retirons un morceau de place ; et nous nous retirons, nous aussi, du vivant. Notre monde a besoin de tolérance à la vie : les cris, les rires, les appels font partie de l’existence humaine. Au restaurant, dans le métro, chez des amis, un pleur, un babillage ne sont pas des fautes : ce sont des signes de présence. On peut chuchoter, s’excuser si nécessaire, sortir prendre l’air une minute — mais éviter de faire taire numériquement.
C’est ainsi que l’enfant apprend des choses précieuses : attendre un peu, passer de l’impulsion à la parole, cohabiter avec les autres. Et nous, adultes, réapprenons à oser être dérangés et à déranger un peu — parce que c’est la vie. Ne pas devenir tyran se prépare tôt : accepter qu’il y ait une place pour chacun, pas seulement pour soi.
Par exemple : au restaurant, garder l’enfant près de soi, lui parler doucement (« je t’entends, nous sommes ensemble »), accepter quelques minutes de rires ou de protestations, sortir respirer si besoin… plutôt que de coller un écran devant ses yeux pour « tenir ».
Enfants & collégiens : reconstruire les filtres
Beaucoup craignent d’être « hors du monde » s’ils ne sont pas connectés. Dire simplement que ce qu’ils voient n’est pas le monde, mais un tri. Fixer quelques repères concrets (pas d’écran à table ni dans la chambre la nuit) et rétablir l’alternance : après trente minutes d’écran, trente minutes dehors, à lire, jouer, bouger. Le cerveau se fortifie lorsqu’on lui offre du réel.
Par exemple : écrire ensemble une petite liste de cinq activités hors écran « qui font du bien » pour le lendemain ; décider d’ « une heure dehors » chaque jour, quelle que soit la météo.
Étudiants : passer de la fausse détente à la vraie récupération
Le soir, l’immersion dans les flux donne l’illusion de se détendre, mais surcharge l’esprit et repousse le sommeil. Changer le dernier geste change souvent la nuit : éclairage plus doux, quelques pages lues, musique calme, douche tiède. Le lendemain, travailler par blocs : un temps de concentration pleine, une courte pause sans réseaux. La qualité revient lorsque l’attention cesse d’être morcelée.
Par exemple : remplacer le dernier épisode par vingt minutes de lecture légère — ou un petit geste qui laisse une trace (repriser, croquis, deux rangs) — et éteindre l’écran quinze minutes plus tôt que d’habitude.
Couples : recréer l’attention partagée
Deux personnes peuvent s’aimer et pourtant vivre côte à côte dans deux univers parallèles. Revenir l’un vers l’autre par un rituel simple : dix minutes, chaque soir, sans téléphone, pour raconter un moment de la journée. Protéger des îlots : le repas, la promenade, un rendez-vous « zéro écran » hebdomadaire — cuisiner ensemble, marcher, jouer. L’attention ne s’improvise pas ; elle se cultive.
Par exemple : déposer les téléphones à l’entrée de la pièce et se poser face à face un moment, chacun offrant à l’autre une question ouverte, une attention, partir faire une promenade en se tenant par la main.
Personnes seules : rompre l’illusion de lien
Le téléphone réchauffe… puis laisse parfois un vide. Parfois, la voix d’un proche nourrit davantage qu’une suite de messages. S’ancrer dans le réel par un atelier, une association, un club — même une fois par semaine — change la texture des jours. Et le soir, inventer un petit rituel qui remplace la compulsion du défilement : tisane, musique, quelques lignes écrites pour soi.
Par exemple : passer un court appel vocal, puis noter trois petites choses pour lesquelles on se sent reconnaissant ce jour-là.
Aînés : inclusion sans isolement
Le numérique peut relier… ou isoler. Encourager les usages qui rapprochent (appels vidéo, photos commentées), sans laisser l’écran devenir unique compagnie. Proposer des rencontres réelles, intergénérationnelles, et, lorsque c’est possible, préférer des plages choisies à une télévision en continu.
Par exemple : planifier un appel vidéo familial et une courte sortie le lendemain (marché, parc, voisin).
Actifs : dompter l’hyperconnexion
Dans la plupart des organisations, les flux numériques (e-mails, messageries, notifications) se sont installés sans règles communes. Résultat : une attention fragmentée et une fatigue croissante. Le but n’est pas de « ralentir », mais de protéger des blocs de travail profond et de clarifier les règles de coordination, afin qu’à chaque niveau (opérationnel, management, direction) on gagne en qualité, en vitesse réelle et en sérénité.
À ce stade, je m’appuie sur un cadre éprouvé : les travaux de Cal Newport, professeur d’informatique à Georgetown, spécialiste de l’attention au travail (Deep Work) et de l’organisation sans sur-sollicitation (A World Without Email). Il propose des règles simples, explicites, qui protègent la concentration et réduisent les frictions de coordination. Le protocole qui suit s’en inspire, adapté aux contextes d’équipes en France.
Point clé : le cerveau ne traite pas plusieurs tâches exigeantes à la fois ; il bascule et paie une taxe de changement. Réduire cette taxe, c’est augmenter le débit utile.
- Fenêtres d’e-mails définies : 2–3 créneaux par jour (ex. 8h45–9h15, 13h–13h20, 17h30–17h50). Traitement intensif dans ces fenêtres ; boîte fermée le reste du temps.
- Travail profond : 1 à 2 blocs de 45 minutes par jour en mode avion, smartphone hors de vue.
- Protocole d’urgence unique : une seule voie pour le critique (SMS bref ou canal Teams/Slack « #urgent ») et une définition partagée de l’urgent ; tout le reste attend la prochaine fenêtre.
- Réunions utiles : durées 25/50 minutes (plutôt que 30/60), battement 5–10 minutes entre deux, ordre du jour et décision attendue ; sinon, traitement asynchrone.
- Messageries instantanées : notifications silencieuses par défaut, 2–3 vérifications planifiées par jour ; pas de réactivité permanente.
- Fin de journée déclarée : heure butoir annoncée à l’équipe ; message d’absence (« retour demain à 8h30 ») ; aucune messagerie pro après.
- Tableau de bord personnel : chaque matin, 3 priorités, 1 tâche de travail profond, 1 décision à trancher.
- Contrats d’équipe : écrire ces règles (qui, quand, par où, pour quoi) et les réviser mensuellement. Un cadre explicite réduit la pression implicite.
Par exemple : aujourd’hui, désactivez les notifications e-mail hors fenêtres, définissez un canal d’urgence unique (avec sa définition de l’urgent) et bloquez un créneau de 45 minutes en mode avion pour avancer un dossier décisif.
Et si tout cela vous paraît impossible ? C’est souvent l’impression de départ. La réactivité a pris valeur de réflexe, la hiérarchie veut « aller vite », les chefs de service pensent bien faire. Pourtant, dès qu’on essaie à petite échelle (une équipe pilote, une règle testée deux semaines, un court débrief), on voit la différence.
Imaginez le cerveau comme un moteur qu’on relance à froid à chaque interruption : ouvrir un e-mail pendant qu’on rédige, répondre à une alerte en visio, jeter un œil à Teams… À chaque bascule, il faut se réorienter, relire la dernière ligne, retrouver le fil : c’est la taxe de changement — du temps et de l’énergie perdus à se remettre dedans. En diminuant ces bascules, on gagne en clarté, on réduit les erreurs, on stabilise les délais.
Et tout le monde y gagne, à chaque niveau : les opérationnels produisent mieux, les managers arbitrent plus sereinement, la direction voit des engagements tenus sans surchauffe. Ce n’est pas « faire moins », c’est travailler mieux. Pas à pas, on passe d’une hyperconnexion bruyante à une valeur professionnelle réelle — et l’on retrouve, côté personnel, une respiration qui tient dans la durée. Bref : du flux au fil, reprendre la main sur le tempo.
Anxiété & sommeil : dénouer le cercle
Comme montré dans Le piège numérique : Quand nos écrans deviennent des maîtres invisibles (PFLG, chap. 24) et par Jonathan Haidt, la surcharge d’écrans nourrit l’anxiété… qui nourrit la surcharge d’écrans. On dénoue ce cercle par le corps et la lumière : en soirée, éclairage chaud, pas d’informations anxiogènes tardives ; quelques minutes de respiration 4-6 (inspire 4, expire 6), étirements doux ; puis une petite liste « ce que je dépose pour demain ». Le cerveau se pose lorsqu’on lui montre le chemin.
Par exemple : écrire deux colonnes — « fait aujourd’hui / à faire demain » — puis poser le téléphone hors de la chambre.
Rappels de liberté
Poser un écran n’est pas se priver : c’est se rendre à soi. Lever les yeux entraîne l’œil… et l’imagination. La présence — à soi, à l’autre, au monde — commence par un geste minuscule, répété. Par ces gestes, l’horizon réapparaît, le mur redevient une fenêtre, et la technologie retrouve enfin son rôle : un bon outil, entre des mains libres.
Conclusion — De l’emprise à l’empreinte
Nous vivons dans un monde où le flux cherche sans cesse à nous happer. Il prétend nous relier, mais il nous disperse ; il promet l’instant, mais il vole la durée. Reprendre souffle n’est pas un geste spectaculaire. C’est un choix discret, répété : lever les yeux, fermer une notification, poser un écran, rouvrir l’horizon. C’est se rappeler que notre attention n’est pas une ressource inépuisable à consommer, mais une présence à offrir — à soi, aux autres, au réel.
Nous ne sortirons pas de la fluxcratie par la seule indignation, ni par le renoncement total aux écrans. Nous en sortirons par des gestes : un point, puis un autre ; une parole, puis une autre ; un regard qui va plus loin que le mur lumineux. Les couples se retrouvent dans dix minutes d’attention partagée. Les enfants apprennent à attendre sans être « éteints ». Les étudiants troquent la fausse détente contre un vrai repos. Les aînés se relient sans se retrancher. Les actifs reprennent la main sur le tempo. Partout, le même mouvement : de l’emprise à l’empreinte — la trace singulière d’une existence, parce que chacun est unique comme son empreinte et libre d’en décider le dessin.
Résister n’est pas se couper de la modernité ; c’est lui redonner sa place. La technologie peut rester un super-assistant, à condition de ne pas devenir le pilote invisible de nos vies. Notre souveraineté commence là où nous décidons du rythme et de la mesure. Elle se tisse dans mille choix minuscules, qui, mis bout à bout, dessinent une liberté concrète.
Alors, peut-être que ce soir, au lieu d’ajouter un flux, nous ajouterons un fil. Nous accepterons les rires, les pleurs, les appels de la vie — et nous en ferons une trame. À ce prix, l’écran redevient une fenêtre, la journée retrouve sa profondeur, et nos vies, leur souffle.
« Un poète doit laisser des traces de son passage, non des preuves. Seules les traces font rêver. » — René Char
Et, à notre échelle, nous pouvons nous dire : je n’écris pas pour laisser des preuves — ces compteurs de likes qui s’empilent comme des tickets de caisse — mais des traces : celles qui redonnent souffle, ouvrent l’horizon et font rêver.
Pour en savoir plus
Bibliographie
Ouvrages d’Asma Mhalla
- Mhalla, Asma. Cyberpunk – Le nouveau système totalitaire. Paris : Éditions du Seuil, 2025, 208 p.
- Mhalla, Asma. Technopolitique : Comment la technologie fait de nous des soldats. Paris : Éditions du Seuil, 2024, Rapports et ressources publiques (France)
- Commission “Enfants et écrans”. Enfants et écrans : À la recherche du temps perdu. Rapport au Président de la République, avril 2024. Paris : Présidence de la République
Ouvrages de référence (attention, écrans, techniques du corps)
- Arendt, Hannah. Condition de l’homme moderne. Paris : Calmann-Lévy, 1961
- Char, René. La Parole en archipel. Paris : Gallimard, 1962
- Haidt, Jonathan. Génération anxieuse : Comment les réseaux sociaux menacent la santé mentale des jeunes: Les Arènes, 2025. ISBN 979-1037513090
- Mauss, Marcel. Les techniques du corps. Paris : Flammarion, 2023.
- Merleau-Ponty, Maurice. Phénoménologie de la perception. Paris : Gallimard, 1945 ;
- Newport, Cal. Réussir (sa vie) grâce au minimalisme digital : Moins de technologie, plus de concentration.: Éditions Alisio (Leduc), 2020. ISBN
Repères littéraires (cyberpunk & imaginaires de l’emprise)
- Dick, Philip K. Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? J’ai Lu, 2022.
- Gibson, William. Au diable vauvert, 2020,
- Stephenson, Neal. Le Samouraï virtuel (Snow Crash). Robert Laffont, coll. « Ailleurs & Demain », 1996, 416 p. ISBN 2-221-07946-9.
Études scientifiques (sommeil, vue, exposition aux écrans)
- Chang, A.-M., Aeschbach, D., Duffy, J. F., Czeisler, C. A. « Evening use of light-emitting eReaders negatively affects sleep, circadian timing, and next-morning alertness », PNAS, 2015. doi:10.1073/pnas.1418490112.
- Hartstein, L. E., Mathew, G. M., Reichenberger, D. A., et al. « The impact of screen use on sleep health across the lifespan: a National Sleep Foundation consensus statement », Sleep Health, 2024;10(4):373-384.
- Ha, A., et al. « Digital Screen Time and Myopia: A Systematic Review and Dose-Response Meta-analysis », JAMA Network Open, 2025
- Xiong, S., et al. « Time spent in outdoor activities in relation to myopiaprevention and control: a meta-analysis and systematic review », Acta Ophthalmologica, 2017
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Toujours aussi bien documenté et passionnant ! Merci Maude